L'Amiénois, Journal Parodique qui paraît quand il peut.

Ce journal secoue les politiques qui "poussent bébert dans les orties". Il convoque les morts célèbres pour qu'ils règlent leurs comptes avec les vivants. Il donne aussi des recettes de cuisine. Beaumarchais écrivait : "Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur" et "Il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits".

samedi 5 juillet 2025

André Malraux : "Ils ont fait de moi un décorateur de la grandeur gaullienne !"

André Malraux : "Ils ont fait de moi un décorateur de la grandeur gaullienne"

Entretien exclusif avec l'écrivain-aventurier, revenu d'outre-tombe pour dénoncer sa transformation en figure officielle

L'Amiénois : Monsieur Malraux, comment voyez-vous la façon dont on vous présente aujourd'hui ?

André Malraux : (Gesticule théâtralement) Ils ont fait de moi un monument aux morts de la culture française. Un fonctionnaire de l'éternité. Moi qui ai passé ma vie à dynamiter les conventions, me voilà transformé en gardien du temple. C'est d'un ridicule achevé. On m'enseigne comme "le ministre de la Culture de De Gaulle", point final. Comme si toute mon existence se résumait à nettoyer les façades.

L'Amiénois : Cette image de "ministre de la culture" vous agace-t-elle particulièrement ?

André Malraux : (Explosion dramatique) Agacer ? Elle m'exaspère. J'étais un révolutionnaire. Un trafiquant d'art, un aventurier, un anarchiste de l'esprit. J'ai combattu en Espagne républicaine, en Chine, dans la Résistance. J'ai vécu avec les prostituées d'Indochine et les révolutionnaires chinois. Et qu'en retient-on ? "Ah oui, Malraux, celui qui a créé les Maisons de la Culture..." C'est proprement désolant.

L'Amiénois : Vos aventures de jeunesse sont pourtant connues...

André Malraux : (Se redresse, indigné) Connues ? On les a romancées, édulcorées, transformées en légendes dorées. Mon affaire cambodgienne ? "Une erreur de jeunesse." Ma participation à la révolution chinoise ? "Des souvenirs d'écrivain." Mes combats en Espagne ? "Du tourisme révolutionnaire." Ils ont fait de mes engagements des anecdotes pittoresques. J'étais un homme d'action, pas un collectionneur de souvenirs exotiques.

L'Amiénois : Et que pensez-vous de votre récupération politique ?

André Malraux : (Amer et lucide) Ah, la récupération gaullienne. Magistrale. De Gaulle m'a domestiqué en me donnant un ministère. J'étais un fauve, il m'a mis dans une cage dorée. Et maintenant, la droite française me brandit comme un trophée : "Regardez, même Malraux était avec nous." Mais enfin, j'ai été antifasciste, anticolonialiste, j'ai soutenu tous les combats de libération. Ils retiennent quoi ? Mes discours sur l'art français.

L'Amiénois : Vous regrettez vos années ministérielles ?

André Malraux : (Réfléchit amèrement) C'est plus complexe... J'ai voulu démocratiser l'art, c'était légitime. Mais ils ont transformé cette ambition en propagande culturelle. Les Maisons de la Culture sont devenues des temples de la culture bourgeoise. J'ai voulu rapprocher l'art du peuple, ils en ont fait des vitrines du patrimoine. J'ai été l'alibi culturel d'un pouvoir conservateur.

L'Amiénois : Comment expliquez-vous cette transformation de votre image ?

André Malraux : (Analyse avec acuité) C'est le piège de l'institutionnalisation. Quand un révolutionnaire accepte le pouvoir, il devient complice du système qu'il voulait changer. Ils m'ont offert un strapontin dans l'Histoire officielle. "Malraux, le grand intellectuel rallié à De Gaulle"... Quelle tartufferie. J'ai trahi mes idéaux pour une place au Panthéon républicain.

L'Amiénois : Et vos romans, comment sont-ils perçus aujourd'hui ?

André Malraux : (Grimace de dégoût) Mes romans ? Transformés en classiques poussiéreux. "La Condition humaine", "L'Espoir"... On les enseigne comme des témoignages historiques. Mais c'étaient des cris de révolte, des appels aux armes. "La Condition humaine" dénonçait l'écrasement de l'individu par l'Histoire. Maintenant, c'est au programme du bac. Domestiqué, aseptisé, neutralisé. Moi qui ai écrit que "l'homme n'est pas fait pour être vaincu", voilà mes livres vaincus par la pédagogie.

L'Amiénois : Que pensez-vous de l'évolution de la politique culturelle française ?

André Malraux : (Explose de colère) Une catastrophe. Ils ont industrialisé la culture. Netflix, Disney, Amazon... Les Américains ont colonisé nos imaginaires pendant que nos politiques comptaient les subventions. Mes Maisons de la Culture ? Fermées ou transformées en centres commerciaux culturels. L'art est devenu un produit de consommation.

L'Amiénois : Et vos successeurs au ministère de la Culture ?

André Malraux : (Grimace de dégoût) Mes "successeurs" ? Vous voulez rire. Des gestionnaires, des comptables. Regardez Jack Lang : il a transformé la culture en spectacle. Tout dans la communication, rien dans l'âme. Et après lui ? Une procession de technocrates. Ils ont remplacé l'ambition culturelle par des budgets, l'art par l'événementiel.

L'Amiénois : Et Rachida Dati, actuelle ministre ?

André Malraux : (Explosion d'indignation) Rachida Dati. L'apothéose de la médiocrité. Cette femme n'a jamais ouvert un livre de sa vie. Elle confond culture et people. Son bilan ? Néant. Elle saborde méthodiquement tout ce qui reste de politique culturelle. Elle supprime les subventions, privatise les théâtres, et après elle s'étonne que la culture française s'effondre. C'est une fossoyeuse.

L'Amiénois : Elle incarne donc tout ce que vous détestez ?

André Malraux : (Amer et lucide) Exactement. Elle représente la mort de l'ambition culturelle française. Moi, j'ai voulu démocratiser l'art, elle, elle le brade. Elle traite la culture comme un secteur économique parmi d'autres. "Rentabilité", "attractivité", "performance"... Mais l'art n'est pas rentable, palsambleu. C'est sa force, sa nécessité. Elle assassine l'exception culturelle française.

Photo vieillie (sépia) de André Malraux, il est derrière un bureau, il cause. Il y a un message sur la photo : "Moi, j'ai voulu démocratiser l'art, elle, elle le brade. Elle traite la culture comme un secteur économique parmi d'autres. "Rentabilité", "attractivité", "performance"... Mais l'art n'est pas rentable, palsambleu. C'est sa force, sa nécessité. Elle assassine l'exception culturelle française." Logo du journal dans le coin supérieur droit. En bas son nom, avec une mention qui rappelle le caractère parodique de l'itw


L'Amiénois : Vous semblez particulièrement remonté contre sa gestion...

André Malraux : (Théâtral dans sa colère) Sa "gestion" ? Vous appelez ça une gestion ? C'est de la liquidation. Elle ferme des lieux culturels, supprime des festivals, abandonne les artistes. Et pendant ce temps, elle inaugure des expositions Instagram. Elle confond culture et communication. C'est du Berlusconi français, l'art spectacle pour masses abêties.

L'Amiénois : Et l'utilisation de vos citations dans les discours politiques ?

André Malraux : (Ironique et désabusé) Ah, mes "petites phrases". "L'art, c'est le plus court chemin de l'homme à l'homme"... Ils la ressortent à chaque inauguration. Ou encore : "Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas" - que je n'ai jamais dite d'ailleurs. Ils ont fait de moi un distributeur de sentences définitives, un Oracle de Delphes pour réceptions officielles.

L'Amiénois : Vous n'avez donc aucun regret sur vos choix ?

André Malraux : (Moment de sincérité troublante) Si. J'aurais dû rester un franc-tireur. Continuer à écrire, à voyager, à me battre. Au lieu de cela, j'ai accepté de devenir une figure officielle. J'ai échangé ma liberté contre une place dans l'Histoire. Et maintenant, cette place me sert de prison posthume.

L'Amiénois : Un dernier mot pour ceux qui utilisent votre héritage ?

André Malraux : (Se dresse, théâtral jusqu'au bout) Mesdames et Messieurs les récupérateurs de la grandeur française. Vous avez fait de moi un décorateur de façades, un embaumeur de la culture morte. Mais l'art véritable est subversif. Il dynamite les certitudes, il ne les conforte pas. Cessez de me citer pour justifier vos conservatismes. L'art n'est pas un faire-valoir, c'est une révolution permanente. J'ai dit autrefois que "la culture ne s'hérite pas, elle se conquiert". Eh bien conquérez-la au lieu de la momifier.

L'Amiénois : Merci André Malraux pour cette introspection sans complaisance.

André Malraux : (D'un geste grandiose) Il fallait que quelqu'un le dise. "L'Homme ne devient homme que dans la poursuite de sa part la plus haute." Et cette part-là, mesdames, messieurs, elle ne se trouve pas dans les ministères.


Propos recueillis par L'Amiénois, le journal qui réveille les grands hommes pour qu'ils règlent leurs comptes avec leur légende.

Note : Cette publication revendique son caractère PARODIQUE, mais force est de constater qu'André Malraux était effectivement un personnage plus complexe et subversif que l'image officielle qu'on en retient. Nous aurions pu être encore plus sévères, mais André a tempéré ses propos après avoir relu ses propres "Antimémoires".


"Il n'y a qu'une seule façon d'égaler les chefs-d'œuvre, c'est de les continuer."

André Malraux - 1901-1976

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